Inconnu en France, le travail corporel Breema se décline en soin chez un praticien ou sous forme d’exercices à pratiquer chez soi. Son originalité ? Associer mouvements du corps et toucher autour de neuf principes qui sont autant de leçons de vie. Simple, naturel et épanouissant.
» Quand j’ai rencontré Breema, ça a été le coup de foudre. C’était créatif et aussi évident pour moi que de marcher », témoigne Odile David, ex-danseuse contemporaine et l’une des rares enseignantes et praticiennes certifiées en France. « Breema n’est pas une méthode, c’est un art de vivre. Ce n’est pas une gym, c’est un travail « corporel« , tient-elle à nuancer.
« Une forme simple et naturelle de toucher et de mouvement du corps fondée sur des principes universels », définit le chiropraticien américain Jon Schreiber, qui l’a créée dans les années 1980, à Oakland, avec un groupe d’étudiants et un homme aussi discret que charismatique : Malouchek Mooshan, d’origine kurde et soufie. Breema est le diminutif de Breemava, village perdu du Kurdistan où ce dernier a grandi. Là-bas, confesse-t-il à une reporter du San Francisco Chronicle1, il s’adonnait à une activité corporelle avec son grand-père et les anciens du village. « C’était une sorte de jeu », dit-il. Un moyen d’échanger qui s’est révélé bénéfique pour entretenir la santé et se connecter à son corps et à l’environnement. À la source de ce rituel ? « L’intelligence de l’existence », obtient pour seule réponse la journaliste. Pour Odile David, qui l’a rencon-tré en 1989, Malouchek Mooshan était « un sage. Il avait tout Breema en lui et il en reste l’âme ».
Un échange de soins
Aujourd’hui, le travail corporel Breema a essaimé dans près de vingt-cinq pays grâce au bouche-à-oreille. Le self-Breema recense près de quatre cents exercices corporels à pratiquer en solo. Le « Breema bodywork », lui, est un soin qui se pratique en tenue de yoga sur un matelas au sol, en duo. Vu de l’extérieur, les gestes évoquent le massage thaï et le yoga à deux. En beaucoup plus doux. « On retrouve des asanas comme Pavanamuktasana (libération des vents) ou des torsions. Mais la différence est que l’un des deux ne fait rien », précise Michele Schulz, praticienne dans l’Aude. Enfin... presque. Le receveur agit passivement. En effet, le praticien joue avec la mécanique et le poids de leurs deux corps et cette attitude bénéficie autant à l’un qu’à l’autre, physiquement et psychologiquement. Il suit son instinct. « Il ne cherche pas à faire mais à être présent à lui-même à chaque instant. Cela crée une atmosphère qui favorise une bonne circulation d’énergie entre les deux personnes », complète Odile David. Balancements, brossages, tapotages, effleurages... « C’est un soin rassurant, bienveillant, très maternel », décrit Brigitte, 66 ans, qui l’a reçu lors d’un stage d’initiation.
Il agit aussi sur la vitalité et les douleurs. « Il travaille sur les méridiens, libère les inflammations, les blocages musculaires ou ligamentaires (n’oublions pas que Jon Schreiber est chiropracteur), et cela favorise le processus de guérison. Mais je ne suis pas une guérisseuse ! », prévient Michele Schulz. En solo ou en duo, l’objectif est avant tout de mieux se connaître, de « goûter » à de nouvelles façons de bouger, de ressentir son corps et de penser. De se comprendre par le biais du corps, en somme.
Neuf principes d’harmonie
Praticiens et pratiquants de self-Breema gardent en permanence à l’esprit neuf principes interdépendants qui constituent le socle du travail corporel Breema. Cette philosophie ne se rattache à aucun courant spirituel mais reprend en d’autres termes celle des thérapies asiatiques.
Ainsi, le principe « un moment/ une activité unique » rappelle celui de la pleine conscience : être présent à ce que l’on fait à l’instant T en considérant ce moment comme une expérience unique. L’« implication totale » invite à ce que l’esprit et les sentiments ne fassent qu’un avec le corps afin de participer pleinement à nos acte. «Ni hâte ni pause»: lorsqu’on est présent à ce que l’on fait, on n’a plus le sens du temps, celui-ci n’exerce aucune pression. Le « confort corporel » consiste à accepter l’état du corps tel qu’il est dans l’instant. Inutile de le forcer à être confortable. « Le vrai confort est une dimension de la conscience où tout fonctionne en harmonie avec notre propre nature », précise la description de ce principe. Et le corps possède deux qualités complémentaires, et non pas opposées : « fermeté et douceur », qui doivent notamment guider la manière de toucher. « Pas d’extra » : seulement ce dont on a besoin sur le moment. Il s’agit alors de lâcher prise pour être soi et pas celui ou celle qu’on s’imagine être. Le « non-jugement » incite à abandonner nos pré-conditionnements afin d’être plus disponibles à de nouveaux ressentis et manières de bouger, mais aussi pour toucher le corps d’autrui sans crainte ni tensions. Le « soutien mutuel », à la base de l’entraide, reprend l’idée que donner et recevoir se produit simultanément. Un principe de dualité qu’évoque aussi celui de « non force » : « Lorsque deux choses sont séparées, elles exercent une force l’une sur l’autre. En réalité, il n’y a pas deux choses séparées. L’existence est une : une matière, une énergie, une conscience. Le principe de non-force est une expression d’harmonie avec l’existence », résume Jon Schreiber.
Une expérience personnelle
Qu’on se le dise : nul ne peut prétendre maîtriser le travail corporel Breema ! Jon Schreiber lui-même se donne encore pour objectif d’approfondir sa relation à ces neuf principes fondamentaux. « C’est un chemin d’apprentissage qui conduit à modifier ses attitudes dans la vie, selon Odile David. Et comme pour toute éducation, il existe un cadre, en l’occurrence des séquences de mouvements codifiés, et un espace de liberté où chacun peut les assortir et les exprimer à sa façon. » Le dixième principe pourrait donc être « pas d’imitation ».
Ainsi, Michele Schulz s’inspire de ses connaissances en ayurvéda quand elle prodigue un soin Breema. Odile David, en tant qu’ex-danseuse, enseigne en insistant sur l’ancrage, la présence et la non-force. « Il me paraît important de “mettre” les neuf principes dans le corps, la matière. Car il est plus facile d’accéder au mieux-être en faisant “vivre” son corps », dit-elle.
Les titres des exercices laissent songeur : « Ce qui existe a une émanation », « La lumière traverse chaque cellule à chaque instant », etc. « Moi qui suis terre à terre, je ne les aime pas », reconnaît l’enseignante, avant de concéder : « Bon... ils peuvent sensibiliser à la philosophie. Mais c’est ce qu’on a vécu et enregistré dans son corps qui compte. » Les exercices diffèrent par les zones sollicitées, la position adoptée, le rythme d’exécution ou la qualité du toucher, mais ne prétendent pas cibler des bénéfices spécifiques. « Plus on en expérimente, plus on progresse vers la connaissance de soi », assure Odile David pour qui un cours offre avant tout la promesse d’« un beau voyage dans son corps ».
Un Exercise de Self-Breema
(pour prendre conscience de soi)
« How great is the field of the being » (« Combien est grand le champ de l’être ») :
debout, faites pivoter le corps vers la gauche en levant les deux coudes de ce même côté. Les jambes restent souples, naturellement la droite se plie et le talon se décolle. Effectuez alors trois petits mouvements de bras de haut en bas comme si vous tiriez la corde d’une cloche d’église. Effectuez le même geste côté droit. Recommencez trois fois. Posez ensuite vos mains sur le front et faites-les glisser sur le sommet du crâne, puis sur la nuque, les épaules, le tronc, le ventre, l’arrière des jambes jusqu’aux pieds et remontez vers le front par le devant des jambes. Massez-vous ainsi plusieurs fois.
En pratique
Quatre praticiens sont certifiés en France, dont deux assurent aussi des formations.
Soin Breema, 1 heure : compter 45-55 €, chez Michele Schulz à Chalabre, à une heure de Carcassonne (mapetitecuisinesaine.com). Cours de self-Breema, 45 minutes : gratuit avec Odile David en français et en présentiel sur Paris (suivant la situation sanitaire) et en visio le mercredi soir. Et sur Zoom en anglais en co-animation avec d’autres enseignants.
Informations et annuaire sur breema.com (en anglais).